Louis
Perreault
Dans la ruelle habituellement calme, les débris d’une démolition récente jonchent le sol. Les revêtements en vinyle des nouveaux condominiums scintillent. Ces constructions, dont les murs sentent encore la fraicheur d’une peinture bas de gamme, s’imposent sans qu’elles ne soient désirées.
Une clôture de bois, plus loin, fléchit sous le poids des vignes envahissantes, délaissées depuis trop longtemps par des locataires qui ne voient pas l’intérêt de s’investir dans un bien négligé par son propriétaire. Quelques fiers occupants plantent les fleurs au printemps et couvrent les arbustes à l’automne. On devine une histoire dans le regard de l’un ou la gestuelle de l’autre, mais aussi dans la colère des plus radicaux qui scandent très haut leur mécontentement et réclament les titres d’une propriété symbolique, fondée sur l’usage et la durée de l’occupation. La ville se transforme et la résistance s’organise de toutes sortes de manières.
Par exemple, l’arbre ayant poussé de manière sauvage dans l’asphalte des arrière-cours, au point de grandir entre les mailles d’une clôture métallique, sera impossible à déloger lorsqu’on le coupera. Pendront alors, ici et là, les vestiges de ces vies malaimées. Ils sont les cris du désordre, réclamant leur droit à ne pas faire partie de l’album de la réussite.
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In a usually quiet alleyway, debris from a recent demolition litters the ground. The new condominiums’ vinyl sidings glimmer. These constructions, whose walls still smell like cheap fresh paint, foist themselves upon us, uninvited.
Further off, a wooden fence—long abandoned by tenants who can’t see themselves caring for a property neglected by its owner—buckles under the weight of invasive vines. A few proud occupants plant flowers in the spring and cover their shrubs in the fall. You can see a story in one person’s glance or in another’s gesture, and also in the anger of some of the more radical individuals, who shout their anger and claim symbolic titles to property, based on their long occupation. The city is changing, and the resistance is organizing in all kinds of ways.
For example, the tree that has grown wild in backyard asphalt, even between the chainlinks of a metal fence, will be impossible to dislodge, even when they cut it down. Here and there are scattered these vestiges of unnoticed lives, screaming disorder, claiming their right not to be part of the album of success.